Plus que 500 mètres.

Vous êtes sur cette selle depuis plus de 8 heures, mais cette fois vous en voyez le bout.

Votre premier 200 vous tend les bras.

Encore quelques coups de pédales et vous pourrez laisser reposer ces jambes engourdies.

Au détour du dernier virage, vous les découvrez. Ils vous ont fait la surprise.

Tous vos amis sont là, pour assister à cet exploit.

Leur clameur monte vers vous. Ils applaudissent. Ils scandent votre nom.

Vous sentez que quelqu’un vous agrippe le bras.

Il vous secoue à présent. Il va vous faire chuter l’inconscient.

Vous reconnaissez la voix de votre épouse.

« Tu dors ? Le réveil a sonné, tu vas rater ta sortie vélo »

Retour à la réalité.

Vous rêvez peut-être de pédaler plus loin. De battre votre record  de distance : 100, 200, 300 km.

Mais que faut-il améliorer pour y parvenir ? Et par où commencer ?

J’ai connu cela.

Quand j’ai débuté le vélo il y a quelques années, 60 km me paraissaient une montagne.

Je n’ai réussi à finir mon premier 80 qu’avec le secours de mes amis et de leurs gels prudemment emportés.

J’ai depuis fait un peu de chemin et j’aime rouler 300km par une belle journée d’été.

Ce n’est pas une performance.

Et surtout, si j’y suis arrivé, vous aussi pouvez en faire autant.

Comment pédaler pendant des heures sans finir au bout du rouleau ?

Comment rouler avec les amis en gardant le sourire jusqu’à l’arrivée ?

Comment se faire plaisir dans l’ascension d’un col ?

Dit autrement : comment maintenir un effort dans la durée ?

Cette capacité s’appelle l’endurance. Elle est typique de l’activité du cyclisme.

Vous allez découvrir dans cet article comment, en démarrant de bien bas, je suis parvenu à l’améliorer.
Des recettes aux principes assez simples finalement.

1 – Quatre facteurs pour booster son endurance

Il n’y a pas cinquante sujets à travailler.

J’ai fini par comprendre qu’il y avait 4 facteurs à améliorer :

Votre moteur :

Il s’agit de vos poumons, de votre cœur et de vos muscles.

Vos poumons doivent être capables d’apporter l’oxygène et de le transférer à votre sang.

C’est alors là que le cœur doit faire sa part du boulot. Il vous faut un cœur suffisant tonique et capable d’envoyer des volumes sanguins appropriés.

En dernier lieu, il y a vos muscles. À eux d’être en mesure d’utiliser tout cet oxygène, de le transformer en énergie et de maintenir votre effort dans la durée.

Sa consommation :

Il y a des moteurs plus gourmands que d’autres. Sur ce point nous ne sommes pas égaux.

Si vous êtes plutôt costaud, large d’épaules, vous aurez un moins bon aérodynamisme qu’un gabarit fluet. Vous n’y pouvez rien.

Mais vous pouvez néanmoins améliorer votre rendement. Avancer mieux pour une même dépense d’énergie.

Comment ?

Grâce à la qualité de votre coup de pédale.

Votre réservoir.

Vos réservoirs devrais-je dire.

Car votre moteur consomme plusieurs carburants.

Principalement des sucres (glucides) et des graisses (lipides). Vous les emportez avec vous au moment de monter en selle. Ces réserves sont stockées dans les muscles et dans le foie.

Les réserves de sucre sont faibles mais précieuses, nous le verrons.

Et bien, vous pouvez les augmenter grâce à votre entrainement et une diététique adaptée.

Votre mental.

Il est bien sûr déterminant.

Votre détermination, votre capacité à gérer l’effort dans la durée, à avoir confiance dans vos possibilités sont autant d’éléments à prendre en considération.

Vous voyez, le sujet est vaste.

Cet article est consacré au premier de ces points uniquement : votre moteur.

2 – Comment fonctionne votre moteur

À l’effort, ils démultiplient leur action. Ils se gonflent davantage et à un rythme plus élevé.

Ils sont capables d’envoyer jusqu’à 25 fois plus d’oxygène vers nos capillaires pulmonaires qu’ils ne le font au repos.

Il va aussi augmenter le volume sanguin qu’il peut prendre en charge à chaque contraction.

Plus de fréquence, plus de capacité, votre cœur va augmenter le débit sanguin considérablement. Jusqu’à un facteur 5.

L’hémoglobine va fixer l’oxygène pour le convoyer vers les muscles et organes.

Chaque litre de sang contient 0.2 litre d’oxygène. Les sportifs entrainés en altitude arrivent à augmenter cette teneur.

3 – Comment mettre un tigre dans votre moteur

Pour améliorer la performance de votre moteur, vous pouvez activer plusieurs leviers :

Comment faire ?

Voici deux points intéressants à améliorer.

4 – La cylindrée de votre moteur

Quand vous voulez aller plus vite, vous faites monter votre moteur dans les tours. Vous consommez davantage d’oxygène.

… et il y a un moment où cette consommation d’oxygène atteint un maximum :

 Vous avez alors atteint votre consommation maximale d’oxygène. C’est en quelque sorte la taille de votre cylindrée.

Elle s’appelle la VO2max.

V désigne le volume, O2 l’oxygène et max le maximum.

Elle traduit le volume maximum d’oxygène que votre organisme va pouvoir utiliser, par minute.

Elle permet de caractériser :

ET

Pour pouvoir comparer les VO2 entre individus, on ramène ce débit au poids du cycliste.

Elle s’exprime donc en millilitre d’oxygène consommé par minute et par kg.

4.1  Pourquoi une bonne VO2max est importante ?

À moins d’être un grand compétiteur dans l’âme, il y a fort à parier que vous irez rarement solliciter   votre VO2 max.

Sur des sorties longues, ce ne sera pas votre facteur limitant.

Ce sera plutôt votre capacité à tenir une intensité d’effort donnée le plus longtemps possible. En utilisant seulement une fraction de votre VO2 max.

Alors, pourquoi accorder tant d’importance à la VO2 max ?

C’est assez simple, plus vous arriverez à fonctionner ‘loin en dessous’ de votre VO2 max,  plus vous évoluerez facilement et plus vous retarderez l’apparition de la fatigue.

4.2 Comment mesurer sa VO2max

Il existe de multiples méthodes pour déterminer votre VO2max : en voici trois.

La méthode est précise, mais assez lourde à mettre en œuvre.

« D »  étant la distance en km, vous obtenez votre VO2max en utilisant la formule : VO2max = 22,351 x D -11, 288.

Mon avis :

Chacune de ces méthodes a ses propres erreurs de mesure et approximations.

Choisissez la méthode qui vous est la plus pratique. Connaitre votre VO2 max en elle-même ne vous apportera rien (sauf, à des fins de détection, dans le cas d’un jeune qui penserait à une carrière).

En revanche, mesurer sa progression au fil du temps est un point intéressant.

4.3 Quelques valeurs de VO2max

Il y a fort à parier que vous n’avez pas la même VO2 max que votre meilleur ami(e).

Elle varie beaucoup d’un individu à l’autre. De 25 à 70 ml/Mn/kg chez la femme, et de 30 à 90 ml/min/kg chez l’homme.

Le tableau ci-dessous permet de vous situer en fonction des hommes et femmes du même âge.

Référence : Shvartz E, Reibold RC : Aerobic fitness norms for males and females aged 6 to 75 years : a review. Aviat Space Environ Med; 61 :3-11, 1990

Il en ressort que :

Et ça, c’est une bonne nouvelle.

Vous verrez comment l’améliorer un peu plus bas dans cet article.

Il n’est pas rare d’observer un gain de l’ordre de 15 à 20%. C’est ce que j’ai pu vérifier dans mon cas. Quelqu’un qui aurait une VO2max de 45 ml/min /kg peut espérer gagner de l’ordre de 10 ml/min/kg.

Des expériences ont même mis en évidence des améliorations de 44% chez des sportifs pas entrainés du tout.

Et, il y a encore mieux. J’ai mis du temps à le comprendre…

Vous pouvez améliorer votre endurance avec la même VO2max.

La cylindrée de votre moteur reste identique, mais vous réussissez à l‘emmener plus loin.

Comment ?

En évitant de l’envoyer trop vite dans la zone rouge.

Mais avant de vous expliquer cela, il faut d’abord que je vous parle des mécanismes qui nous fournissent de l’énergie.

5 – les principaux systèmes énergétiques

5.1 L’Aérobie

Pour pédaler durant plusieurs heures, il faut fournir à vos cellules de l’énergie.

Vous avez besoin d’une chaudière.

Cela tombe bien, vous en avez des millions et des millions dans vos muscles. Ces chaudières, ce sont les mitochondries. Vous en disposez de 300 à 2000 par cellules. Elles abattent un travail remarquable.

Quand vous pédalez en endurance, elles transforment les sucres (sous forme de glycogène et de glucose)  et les graisses (stockées sous forme de triglycérides) en énergie, tout en consommant l’oxygène apporté par le sang.

Leur travail consiste à délivrer de l’ATP.

 L’ATP ?

Considérez simplement que c’est une manière de compter l’énergie dans notre corps.

Pour payer nos dépenses de la vie courante, il y a les euros, pour échanger l’énergie dans notre corps, il y a l’ATP.

Chaque fois qu’une molécule de glycogène est brulée dans la mitochondrie, 39 ATP sont libérées (et 38 ATP dans le cas d’une molécule de glucose). Chaque fois qu’une molécule de triglycéride est consommée dans la mitochondrie, c’est 129 ATP qui sont générées.

Ce processus génère de l’acidité (des ions H+, c’est-à-dire des protons, des particules minuscules). Tant que l’oxygène est apporté en quantité suffisante, tout va bien : ces ions sont recyclés et permettent de fabriquer de l’eau.

Parfait. Vous fonctionnez en aérobie.

5.2 L’Anaérobie

Votre corps dispose d’une autre filière pour fabriquer son énergie.

Elle fonctionne en même temps que le mécanisme aérobie. Mais, tant que vous pédalez à des intensités faibles et modérées, elle est peu sollicitée. Silencieuse. Négligeable.

Augmentez l’intensité de votre effort à présent.

Il y a un moment où l’oxygène vient à manquer. Et pourtant votre corps doit vous fournir l’énergie que vous demandez. Alors il active une autre solution. Une deuxième « voie métabolique ».

Arrive un moment où elle augmente drastiquement et devient le système prédominant de fourniture de l’énergie.

Les sucres, et eux seulement, vont y être dégradés sans besoin d’oxygène.

Le premier problème : ce processus ne génère que 2 pauvres ATP par molécule de sucre. 19 fois moins qu’en aérobie.

Pour obtenir l’énergie nécessaire, votre corps va donc piquer dans votre stock de glycogène à toute allure.

Vous risquez la panne sèche.

Le second problème : ce processus génère lui aussi des ions H+ qui ne sont que partiellement recyclés. Le nombre de ces ions va rapidement plus que doubler voire quadrupler pour les cyclistes travaillant aux plus hautes intensités.

L’acidité dans les tissus et dans le sang augmente.

Le muscle a horreur de travailler dans ces conditions. Les jambes vous brulent. Au bout de quelques minutes, vous n’avez d’autre choix que de ralentir.

Vous venez de fonctionner en anaérobie. 

6 – Le seuil anaérobie

La puissance à laquelle on passe d’une prépondérance du système aérobie au système anaérobie s’appelle le seuil anaérobie.

Plus cette transition arrivera tardivement, et plus vous pourrez rester facilement dans le système aérobie :

Inversement, plus elle arrivera à une puissance faible :

En résumé

Plus votre niveau seuil sera élevé et plus grande sera votre capacité d’endurance.

Finalement, il est possible d’améliorer significativement votre capacité d’endurance sans nécessairement toucher à votre VO2 max.

Il vous faut pour cela repousser votre seuil anaérobie le plus loin possible.

Vous pouvez y parvenir grâce à votre entrainement.

7 – Mes exercices fétiches

Il y a de multiples manières d’améliorer votre endurance. Les sorties ‘longues’, adaptées à votre niveau constituent une fondation. Ensuite, pour progresser davantage, le fractionné est un recours spectaculaire.

Voici quelques exercices qui m’ont permis d’obtenir rapidement des résultats

7.1 Exercice en endurance de base

Principe : Il s’agit de réaliser des sorties sur un temps prolongé, à intensité moyenne (2 sur une échelle de 1 à 7).

Déroulement :

Temps de récupération : 1 à 2 jours

Mon avis : Il s’agit bien de pédaler avec une intensité moyenne et non pas légère, où vous seriez en complète détraction. Il y a un minimum d’intensité à mettre sans quoi la répétition de ces séances peut même se révéler contre-productive.

L’intensité légère (1 sur une échelle de 1 à 7) sera réservée pour d’autres occasions.

7.2 Exercice en Intensité soutenue

Principe : Exercice fractionné avec alternance de séquences à intensité soutenue.

Déroulement :

Temps de récupération : 1 jour

Mon avis : C’est une séance qui passe assez bien. Il faut veiller à bien la réaliser jusqu’au bout. Les dernières répétitions peuvent être un peu difficiles.

7.3 Le 1’ – 1’

Principe : Exercice fractionné avec alternance de séquence à intensité ‘seuil’

Déroulement :

Temps de récupération : 1 jour

Mon avis : Les répétitions de séquences de 1 minute à intensité très soutenue sollicitent bien le système cardiovasculaire. En principe on finit bien fatigué.

7.4 Exercice en Puissance Maximale Aérobie

Principe : Exercice fractionné avec alternance de séquence à haute intensité d’effort

Déroulement :

Temps de récupération : 1 jour

Mon avis : Une séance assez fatigante et qui sollicite bien les jambes. Il faut veiller à bien l’exécuter jusqu’au bout.

7.5 Le Gimenez

Principe : Cette méthode a été popularisée par Fred Grappe, directeur la Performance de l’équipe Groupama-FDJ et auteur de nombreuses publications. 

Attention, ne réalisez cette séance que si vous êtes déjà bien entrainé. Et prenez garde à ne pas vous cramer en la réalisant trop souvent. Il est impératif de conserver en parallèle des entrainements fonciers, à plus basse intensité.

Cela dit, cette méthode a permis d’observer des améliorations significatives de la VO2max.

Déroulement :

Temps de récupération : 1 à 2 jours

Mon avis : J’ai essayé cette séance et je l’ai vraiment trouvé difficile. Les séquences d’une minute à forte intensité sont difficiles, mais passent finalement assez vite. Ce qui est le plus compliqué, c’est de ne pas lâcher durant les 4 minutes à intensité soutenue.

Bref, une séance qui sollicite le physique, mais aussi le mental.

Et maintenant…

C’est à vous à présent.

Testez ces quelques exercices. Ils sont adaptables à votre niveau et à votre forme du moment.

Ils amènent chacun leur lot de difficultés et de fatigue.

Vous l’avez noté, ils font appel à la notion d’intensité d’effort. Je reconnais que ce n’est pas toujours bien facile à caler. Mais très instructif. Séance après séance, vous apprendrez à mieux vous connaitre.

Je consacrerai un prochain article à ce sujet en particulier.

N’oubliez pas de bien vous hydrater durant ces séances. Et ne les réalisez pas si vous ne vous sentez pas dans votre assiette.

Vous serez très certainement, comme moi, étonné de vos prochaines sensations sur le vélo.

7 réponses

  1. Comme toujours très intéressant et j’en arrive à la conclusion qu’il faudrait que je connaisse ma VO2 Max (même si ça ne servirait qu’à me rassurer sur son niveau).
    En revanche pratiquant pas mal l’endurance l’une des manières de tenir longtemps et sans même faire les exos (j’aime pas les exos) c’est tout simplement d’essayer de ne jamais se retrouver en anaérobie. Il faut apprendre à résister à la tentation de partir dans la bosse en danseuse car c’est quand même toujours rigolo surtout si on est avec des copains ; et de rester bien calme à surveiller sa FC et à monter en limitant les efforts (dont l’addition nous sera sinon présentée avant la fin de la sortie).
    Par ailleurs, j’avais lu, je crois dans le cycle, une expérience très intéressante qui montrait qu’il fallait essayer d’éviter le plus possible de se placer en anaérobie en début de sortie et qu’idéalement il fallait se préserver de cela avant au moins la moitié de la sortie et les deux tiers seraient mieux. Et j’ai effectivement gardé en tête l’expérience où une fois je suis parti en début de sortie comme un fou dans une montée courte (1km) pour doubler un inconnu parti en même temps que moi. J’ai gagné d’un presque quart de roue d’une quasi-demi roue entière en ayant dû atteindre ma FC max… et mon copain de vélo a été bon pour me traîner durant les 100 bons kilomètres restant ! Il m’a traité d’incorrigible stupide gamin sur les 100km… et plusieurs semaines durant.

  2. Article très intéressant, que je garde sous le coude pour guider mes futurs entraînements et que je vais diffuser autour de moi. Merci pour cet excellent blog.

  3. Bonjour et merci Philippe. Toutes ces séances sont idéales à réaliser par contre avec un capteur de puissance que j’ai acquis depuis 3 ans. J’effectuais auparavant ces séances sans capteur avec le cardio et il m’était compliqué de gérer les intensités (trop haut ou trop bas). je finissais difficilement les derniers fractionnés (surtout le Gimenez!). C’est un investissement qui est important à faire si on veut être précis et progresser sans se tromper: il suffit de savoir sa PMA. Plusieurs méthodes pour la calculer (à rechercher sur internet). Le capteur idéal à mon idée est celui avec les pédales marque AS…MA (vous les trouverez facilement autour de 650 Euros) qui permet de l’utiliser sur plusieurs vélos.
    A plus et bonne route

    1. Merci Noël. En effet l’utilisation d’un capteur de puissance permet d’être sûr de travailler dans la bonne zone d’intensité. Investissement fait il y a deux saisons et que je ne regrette pas 🙂
      Bone route à toi

  4. Merci Philippe avec en plus un petit cours de physiologie ???? Bon comme dit Damien, la clé est d’éviter de passer en anaerobie au bout de 1 km. Ça viendra avec l’expérience et l’âge ????

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