Samedi matin. Vous vous levez et ouvrez les rideaux. Le ciel est bas, gris. La rue est luisante, il a dû pleuvoir cette nuit.

Vous consultez machinalement la météo… Vous vous souvenez que les prévisions s’étaient trompées la semaine dernière et vous étiez rentré trempé.

Et puis il y a ce vent.

Les souvenirs des belles sorties de cet été s’éloignent derrière vous. Quant à la saison prochaine, elle est encore loin.

L’automne est là. L’envie, elle, n’y est plus tout à fait.

Vous vous demandez comment passer au mieux cette drôle de période. En faisant un petit break ? ou un plus grand ?

Peut-être pourriez-vous ensuite revenir plus fort encore ?

Ces questions je me les suis posées à chaque intersaison depuis que j’ai démarré le vélo.

J’ai testé plusieurs techniques. Je n’ai pas la formule magique mais je vais vous faire partager ce que j’en ai retiré. C’est le but de cet article.

Mais auparavant, laissez-moi vous raconter un exemple.

 J’ai foiré

Depuis le temps qu’il m’en parlait…

C’est son parcours fétiche.

C’était le jour où il me le dévoilait, un premier samedi de Décembre 2016. 

Nous avions fait route vers Châtillon-sur-Marne, là où commencent les vignobles de Champagne.

Une petite heure de voiture depuis la maison. La radio nous abreuvait déjà de commentaires sur l’élection présidentielle à venir.

Le temps était frais mais sec, un ciel sans nuage. Pas même la petite brume traditionnelle qui souvent s’accroche à ces vignes.

Pédaler à bloc au cœur de la Montagne de Reims,

Avaler ses 125 kms exigeants et ses 2000 mètres de dénivelé,

Monter, descendre, repartir inlassablement à l’assaut de ces coteaux,

Rire de leurs 6, 9, parfois 14% de pente,

Comme gonflé à l’hélium,

Et surtout ne pas s’arrêter, ni chez Mumm, ni chez Peters, ni dans aucune de ces Maisons qui défilent sous nos yeux :

Mon ami Philippe, il aime le faire à bloc son itinéraire.

J’entrais dans son petit cercle d’initiés.

J’avais à cœur de bien faire.

Ne pas décevoir celui qui m’avait mis le pied à l’étrier.

Rester dans sa roue, prendre un relais sur un exceptionnel moment de plat, voilà qui ferait ma journée.

Mais déjà les cuisses me brulent. Elles sont à thermostat 9, incandescentes, c’est certain

70 km depuis Châtillon sur Marne, ce n’est pourtant pas la mer à boire.

Il y a bien eu la montée à Hautvilliers, à la sortie de Cumières, en face d’Epernay. Du 10-12% mais sur 800m seulement.

Et puis il fallut enchainer avec la fameuse côte de Mutigny. Celle où Julian Alaphilippe a fait lâcher prise à Mike Teunissen et autres Wout Van Aert en 2019.

900 m à 12%.

S’en étaient suivies quelques répliques, toutes aussi usantes.

Je suis à présent dans la pente qui démarre à Ludes en direction de Ville-en-Selve. Là aussi du 12% avec un compteur qui en affiche parfois 14

J’ai à peine fait 50m dans ce mur qui me toise.

On me double. Un cycliste, non deux, en fait tout un peloton.

Je continue à avancer, ma vitesse descend inexorablement. 11, 10, 9 km/h.

J’essaie de l’accepter.

Je sais que je dois trouver un rythme. Mais où se cache-t-il ?

Je prends mon bidon, peut-être que ça ira mieux après.

Patience.

Le problème c’est que mes jambes pèsent déjà une tonne.

Je respire à plein poumons mais où part tout cet oxygène ?

Pas sûr qu’il trouve sa voie vers ces muscles tellement en demande.

Quant à mon énergie, elle s’est déjà carapatée. Je ne suis pas sûr qu’il m’en reste un échantillon.

Mon corps me réclame du sucre. Encore. Je ne vais quand même pas attaquer ma quatrième barre.

Je suis en mode randonnée des escargots.

Quant à Philippe, il n’est déjà plus qu’un point en haut de cette pente.

Il ne va pas tarder à se retourner pour constater l’ampleur du désastre.

J’ai compris la leçon.

Je payais mon mois de Novembre oisif.

Quatre semaines de coupure bien sûr que c’était trop.

Le compteur de ma saison était resté bloqué à un petit 10,000 km annuel. Honorable mais rien qui justifiait une telle interruption.

Voici d’ailleurs une étude qui confirme qu’à compter de 2 à 4 semaines d’arrêt, les conséquences physiologiques commencent à se faire sentir : ici

Dès la saison suivante, j’ai fait différemment. J’ai testé autre chose.

1 semaine d’arrêt suivie de 3 semaines plutôt sportives,

Mais sans vélo.

Uniquement de la course à pied avec les amis, de la natation, un peu de golf à l’occasion et même quelques essais en aviron.

Du ludique, du plaisir en somme.  2 à 3 fois par semaine au gré des envies.

Ma condition physique je l’ai gardée. Mais le coup de pédale je l’ai perdu. Disparu, envolé.

Il m’a ensuite fallu plusieurs semaines pour le retrouver.

Des séances passées à le travailler, à m’efforcer d’arrondir le pédalage, à reprendre les fondamentaux techniques,  c’est lourd.

Une tentative

J’ai alors été tenté de ne pas faire de break du tout.

Après tout, pourquoi s’arrêter et faire ainsi une pause dans les entrainements ?

Je me suis vite rendu compte qu’il fallait laisser à notre organisme la possibilité de se régénérer après avoir subi un ‘stress’ comme celui d’un entrainement.

C’est le principe de surcompensation.

En peu de mots, j’ai pu vérifier que pour être efficace dans les entrainements, il est nécessaire d’enchainer 3 phases :

  1. La phase de travail : Vous êtes à l’entrainement, vous sollicitez votre organisme, vous le fatiguez. Au fil du temps la performance diminue.
  2. La phase d’adaptation : L’organisme commence à s’adapter, même si la charge des entrainements est toujours là.
  3. La phase de surcompensation : c’est le moment crucial. Il ne faut pas le rater sinon tout s’écroule. Vous allez alors réaliser des séances plus tranquilles, voire vous reposer, pour éliminer la fatigue. L’organisme se régénère alors à un niveau supérieur au niveau de départ.

Vous avez vu les deux conditions pour progresser ?

Oui, d’abord il faut s’entrainer, créer des déséquilibres. En y allant progressivement bien sûr. Chacun à son niveau et sans se voir d’emblée en Marc Hirschi.

Ensuite il faut laisser du temps à l’organisme pour récupérer, pour se reconstruire, plus fort qu’auparavant. C’est un temps critique.

Trop et vous régressez. Trop peu et vous vous épuisez, vous tombez dans le surentrainement.

Ce phénomène de surcompensation peut s’activer à différents horizons de temps :

Concrètement, on fait comment ?

C’est ce que je vous explique dans la première de mes techniques ci-dessous.

Et encore mieux : j’en profite pour vous faire part de ce que je vais expérimenter en cette intersaison.

Au total, 5 techniques qui j’espèrent porteront leurs fruits et que vous pourriez vous aussi tester dès demain.

Mes 5 tests pour mieux gérer l’intersaison

#1/ Une pause ? Non plusieurs …

Je ne fais plus de grosse coupure à l’intersaison.

Je me contente d’une semaine de repos.

Mais le plus intéressant est ce qui vient.

C’est réglé comme du papier musique. Je n’ai pas expérimenté mieux. Fabuleux.

J’organise en fait toute mon année selon les cycles suivants :

Illustration  :

Et quand approche l’intersaison, que fait-on après cette semaine de pause ?

C’est ce que vous allez voir dans le point suivant.

#2/ Après la semaine de pause de l’intersaison ….

Peut-être avez-vous beaucoup roulé cet été, jusqu’en Septembre.

Des sorties longues, des raids entre amis, quelques cyclosportives aussi. Quand arrive Octobre, ce ne sont plus que des souvenirs.

Devant, se profilent le tunnel de l’automne/hiver, les premières pluies, les routes glissantes, les journées sombres, il va falloir tout traverser.

Je connais cela.

Lorsque les objectifs sont encore flous et de toute façon lointains, une certaine lassitude s’installe. La démotivation guette et attend son heure.

Alors voici comment j’emploie les 3 semaines qui suivent les 7 jours de pause de l’intersaison.

C’est un petit truc que j’ai emprunté à Nicolas Elzeard (coach sportif) : Je fais quelques sorties sans compteur de vélo. Uniquement aux sensations. Des sorties en famille, des randos avec les amis, ou seul lorsque les agendas ne peuvent s’accorder.

En somme, je reviens aux fondamentaux. Avec un seul mot d’ordre : le plaisir. Et ça rebooste, à vous faire grimper aux murs.

Un autre point :

Je vois aussi ces quelques semaines comme le moment pour explorer d’autres sports.

L’année dernière, j’avais mis l’accent sur la natation, qui permet de renforcer le haut du corps tout en aidant à conserver la condition physique.

Cette année, je reviens à la course à pied. Je cours 2 fois par semaine, aux alentours de 1 heure.

Mi-novembre, je m’alignerai sur un semi-marathon. Voilà une éternité que je n’en ai pas couru un. Autant vous dire que mes ambitions y sont plus que modestes. On s’en reparlera sans doute… 

Mais il y a encore mieux : si vous avez un VTT, foncez.

Comme le souligne Fred Grappe (Directeur de la Performance de l’équipe Groupama-FDJ)  « Le VTT constitue  un très bon outil de travail pour le cycliste routier. »

Et concrètement voici comment j’articule ces 3 semaines :

#3/ Un regard par dessus l’épaule

L’intersaison c’est aussi le moment des bilans, le temps où on regarde la saison écoulée.

Qu’avez-vous envie de retenir de cette année ? 2020 fut un peu particulière certes.

De mon côté j’ai envie de retenir :

Et maintenant je vais vous parler du moment que je préfère en cette intersaison

#4/ Il n’y a pas de bon vent pour celui qui ne sait où il va

Il y a sans doute des choses que vous voulez absolument réaliser la saison prochaine.

Des trucs qui vous font vous font rêver depuis quelque temps déjà.

C’est parfait : choisissez-en quelques-uns qui deviendront vos objectifs pour l’année à venir.

Mais ne faites par l’erreur que j’ai commise en 2019.

Emporté par mon élan, je m’étais donné des objectifs pour : Liège Bastogne Liège, La Time Megève, l’Ardéchoise, l’Etape du Tour, une Haute Route, et j’en oublie peut-être.

Soyons honnête :  c’était beaucoup trop.

Comment bien récupérer au milieu de cette abondance ? Comment programmer efficacement ses entrainements pour être à chaque fois en forme à tous ces rendez-vous ?

Cette année, je ferai le test de n’en retenir « que » 3 au maximum.

C’est d’ailleurs ce que recommande Joe Friel (cofondateur de TrainingPeaks et auteur du Cyclist’s Training Bible).

Je réfléchis. J’en ai encore trop pour l’instant, et ils ne sont pas tous compatibles entre eux, ne serait-ce que pour des questions de timing. Je pense à :

Au moment où vous définirez les vôtres, vous pourrez garder en mémoire de que souligne Joe Friel : « un objectif doit être difficile mais atteignable, mesurable et borné dans le temps. »  

Par exemple ce pourrait être : Réussir à faire 100km à vélo d’ici le 1er juin prochain.

Faites en une image (la carte de ce parcours de 100km serait parfaite) et affichez là chez vous.

Face à votre home trainer si vous en utilisez un. Ou près de votre vélo

C’est simple mais incroyablement puissant.

Sa présence donnera du sens à vos entrainements et vous aidera à aller chercher plus loin.

Cet objectif, vous l’atteindrez.

Ou pas.

Quel que soit le résultat il aura rempli sa fonction principale : vous montrer la direction, vous servir de point de mire vous donner un moteur, vous servir d’accélérateur.

#5 / On révise

Imaginez dans quelques mois…

Les beaux jours sont revenus. Fini les surchaussures et les gants hiver. On a même pu enlever une couche. Vous êtes parti pour une longue sortie avec votre club.

Vous pédalez depuis 3 heures quand…le pédalier se met à craquer curieusement.

Vous sentez un peu de jeu dans le pied droit. Pourtant la cale est bien mise et est impeccable. C’est la manivelle qui ne tient plus bien en place. Les roulements du pédalier viennent de lâcher.

Ça je l’ai vécu…

Je me dis depuis que l’intersaison, c’est le moment béni pour une bonne révision du vélo, il le mérite bien.

Cette année je vais vérifier les points suivants, avec mon vélociste préféré à la rescousse pour les contrôles les plus techniques  :

C’est aussi à cette époque, il y a deux ans, que j’avais réfléchi à une nouvelle paire de roues. Peut-être pourriez-vous envisager quelques améliorations sur votre machine préférée ?…

Sur le sujet, je suis sûr que les idées ne vous manquent pas :

‘A quand remonte votre dernier bilan sanguin ?’

C’est la question que me posait mon médecin en Septembre dernier.

Regard évasif en guise de réponse pour ma part.

J’ai ainsi eu droit à ma petite révision, moi aussi.

Avec au premier chef, un dosage du Fer et de la créatinine.

Peut-être pourriez-vous en faire autant ?

On récapitule

Dans cet article, je vous ai fait part de mes 5 pistes pour essayer de bien gérer l’intersaison. Autant d’essais que j’ai faits ou suis en train de faire :

  1. Faire une coupure, certes, mais limitée dans le temps. Une semaine max, reconductible tous les 3 mois et non pas uniquement à l’intersaison. C’est un schéma que j’ai trouvé très efficace
  2. Après la semaine de coupure de l’intersaison, enchainer par 3 semaines de sport plaisir, avec du vélo mais pas seulement. On décompresse.
  3. Faire le le bilan de la saison dernière
  4. Se fixer quelques objectifs pour la saison à venir
  5. Faire une révision du cycliste et du matériel

Et maintenant je vous propose de faire une chose.

Sélectionnez une de ces techniques. Celle qui vous parle le plus. Ou celle dont vous êtes le plus éloigné. Une que vous avez envie d’appliquer.

Mettez là en œuvre aujourd’hui. Oui aujourd’hui. Ne reportez pas à demain. Engagez-la ce jour.

Et grâce à ça, vous pourrez, comme d’autres lecteurs, me contacter par email ou dans les commentaires et me faire part des premiers bénéfices constatés.

Quant à moi, j’espère que ces petites expériences produiront leurs effets.

Je pourrai alors bientôt retourner en Montagne de Reims avec Philippe…

6 réponses

  1. Merci Philippe. L’article est très intéressant. J’ai adopté le VTT cet hiver: C’est ludique et comme tu dis, on travaille la vélocité mais aussi l’adresse, la concentration, on est dans les bois et avec seulement une heure, on se régale.

    1. Merci Noël 🙂 Oui, belle discipline le VTT, on y est toujours ‘en prise’ et en une heure on fait beaucoup de travail. En s’amusant. Excellent, bravo !

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