29 juillet 1950 sur le Tour de France. Nous sommes dans la 15ème étape, qui rallie Toulon à Menton (1).
Il fait une chaleur insupportable. Depuis plusieurs jours déjà, la France est plongée dans une canicule exceptionnelle. La presse titre sur les records de chaleur battus jour après jour.
Le peloton crève de soif.
Les cyclistes descendent les bidons par dizaines. Ils se ruent vers les fontaines. Ils s’arrêtent auprès des bars qui leur proposent des boissons glacées.
Tant pis pour les maux de ventre et pour le chronomètre.
Louison Bobet est au bord de la déshydratation.
Quand nos forçats arrivent à Sainte-Maxime, Jean Robic n’y tient plus. Il s’écarte à droite et le voilà qu’il plonge dans la Méditerranée. Immédiatement suivi par plus de 60 coureurs.
André Brulé aurait même pris son bain avec son vélo.
Émoi à la Direction de course, scandale, amendes.
Si votre prochaine sortie longue passe près de la grande bleue, vous avez là une piste pour limiter la déshydratation.
Mais, pour toutes les autres fois, vous voulez peut-être connaitre les moyens de l’éviter.
Je suis allé interroger le docteur Stéphane CASCUA, médecin du sport, nutritionniste du sport et auteur de nombreux ouvrages (notamment : « Alimentation pour le sportif », « 50 clés pour repenser votre alimentation » Editions Amphora).
Autant vous prévenir, ça décoiffe.
Ses conclusions vont à l’encontre de bien des idées reçues.
Savoir boire
– Vous buvez trop
– Enfin docteur… Quelques verres tout au plus… Et encore, pas tous les jours.
– C’est de l’eau dont je vous parle.
On m’a souvent répété qu’il fallait boire avant d’avoir soif
… que la sensation de soif apparait avec une perte de 1% de notre poids de corps
… qui signifient déjà une diminution de 10% de nos capacités physiques
… et qu’à 2% de perte de poids, cette diminution passait à 20%.
Des études sont venues contrecarrer ces dogmes.
Elles ont révélé que des vainqueurs de marathons internationaux affichaient des pertes en eau de 6%, parfois 12%.
Comment expliquer que le corps reste performant avec de tels niveaux de déshydratation ?
C’est assez simple m’explique le docteur Casual. Lorsque vous réalisez un effort d’endurance, vous perdez du poids : mais, en conclure que cette eau évaporée manque à l’organisme est faux.
- Si vous êtes un peu entrainé, vous emportez dans vos muscles de l’ordre de 400 à 500 g de glycogène. Vos réserves de sucre. Or 1 gramme de glycogène se stocke avec 3 grammes d’eau. Quand vous brulez 500 grammes de ces sucres, vous libérez 1,5 litre d’eau. Cette eau a quitté les cellules, a été transportée par le sang et s’est évaporée avec la sueur. Elle vous a permis de vous refroidir… sans vous déshydrater.
Et ce n’est pas fini…
- La combustion du précieux glycogène libère du gaz carbonique et aussi… de l’eau. Voilà 300g d’eau supplémentaires qui sont générés après la consommation de vos 500 grammes de glycogène.
Nous voilà à 2 à 3% de perte de poids de corps, sans déshydratation.
Alors, on arrête de boire ?
Non bien sûr. Il faut boire, enchaine notre spécialiste.
Mais alors on fait comment ?
C’est ce qu’il nous explique dans le chapitre suivant.
Les 12 recommandations du docteur Stéphane CASUAL
#1 – Pour les toutes petites sorties de 45 minutes à 1h, vous n’avez pas vraiment besoin de boire.
Comme nous l’avons vu, le glucose est stocké dans les muscles avec de l’eau… qui est libérée lors de la combustion des sucres.
#2 – Au-delà de 1 heure ou 1 h30, il vous faut une boisson d’hydratation.
N’abusez pas de l’eau pure. Vous finiriez par diluer votre sang.
Cette eau en excès gagnera vos cellules et sera responsable de nausée, de maux de tête, d’une diminution de votre vigilance.
C’est le phénomène de ‘noyade interne’. Voilà qui ne fait pas envie.
Il est donc largement préférable d’ajouter sucre et minéraux dans votre boisson. Ils vont d’ailleurs faciliter le passage de l’eau dans le sang au niveau de l’intestin.
#3 – Évitez l’apport de boissons très sucrées.
Les dernières réflexions scientifiques tendent à montrer que des apports importants en sucre durant l’effort ralentissent considérablement la combustion des graisses, notre carburant préféré du temps long.
#4 – Ajoutez du gros sel gris dans votre boisson lorsque l’effort dépasse 3 heures.
Une pincée par bidon suffit amplement.
Son avantage par rapport au sel blanc ? il ne contient pas que du chlorure de sodium, mais tous les minéraux de la mer. Des oligo-éléments.
Toutes ces substances qui ne sont souvent présentes qu’à l’état de trace dans notre organisme.
Nous les éliminons doucement, mais sûrement lors d’un effort, emportées par la sueur.
Or elles sont indispensables à nos réactions biologiques. Elles entourent et baignent nos cellules. Vestiges de l’époque où la vie est apparue dans les océans.
Et concrètement ?
Privilégiez les jus de pommes et de raisins qui apportent des vitamines favorisant la combustion des sucres. Ils apportent également du potassium qui participe à la contraction musculaire.
Évitez les jus d’agrumes dont le sorbitol accélère le transit intestinal. (No comment).
Voici quelques recettes :
#5 – Préparez un mélange avec 1 volume de jus de pomme et 1 volume d’eau.
Vous pouvez monter à 5 voir 7 volumes d’eau s’il fait chaud… Ajoutez une pincée de sel gris pour un bidon de 500 ml.
#6 – Préparez un mélange avec 1 volume de jus de raisin et 2 volumes d’eau.
Vous pouvez le diluer davantage, comme pour le jus de pomme, s’il fait chaud… Ajoutez une pincée de sel gris pour un bidon de 500 ml.
#7 – Diluez 1 volume de sirop dans 9 volumes d’eau.
Ajoutez également une pincée de sel gris. J’aime moins cette solution, car elle ne permet pas d’apporter vitamines et minéraux.
#8 – Essayez le lait de coco
Ajoutez du lait de coco dans votre bidon d’eau. Vous pouvez faire un mélange moitié-moitié, à ajuster en fonction de votre goût. J’aime beaucoup cette boisson. Elle amène un peu d’acides gras. Sa sensation est très réconfortante lors des longues sorties.
Il est aussi possible de se tourner vers des boissons de l’effort du commerce, mais est-ce bien nécessaire ?
#9 – Testez vos boissons d’hydratation.
Vérifiez que vous les supportez bien. Apprenez à votre tube digestif à absorber ces liquides alors que l’oxygène est mobilisé dans les muscles de vos jambes.
#10 – Lorsque la chaleur ramollit le bitume sous vos pneus, aspergez-vous.
Cette eau va capter la chaleur de votre corps. Elle va l’évacuer en s’évaporant. Elle est aussi efficace que l’eau que vous buvez. Privilégiez la tête, mais évitez le ventre.
#11 – Buvez par petites quantités.
3 à 4 gorgées toutes les 10 à 15 minutes.
Il n’y a pas de règle absolue, ce sera à tester sur vous, en fonction de votre propre tolérance.
#12 – Ne buvez pas au-delà de votre capacité d’absorption.
Votre intestin peut traiter environ un litre d’eau à l’heure. Parfois moins en cas d’exercice intense.
Lors d’une heure d’effort, vous perdez 500 à 1000 ml d’eau. Tout va bien.
Mais la situation se corse en cas d’effort vraiment soutenu et de forte chaleur. Vous pouvez perdre jusqu’à 3 fois plus. D’où la nécessité de s’asperger régulièrement alors.
Prêt ?
Vous avez désormais une série de pistes pour construire votre stratégie d’hydratation lors de vos sorties.
Faites les vôtres. Testez, améliorez, partagez dans les commentaires ce qui fonctionne bien ou moins bien pour vous.
À vos bidons pour déborder d’énergie sur votre vélo !
Notes : (1) L’anecdote du début de cet article est racontée en détail dans “Légendes du Tour de France” par Gérard et Julien HOLTZ
Merci Philippe. Le « coup de massue » existe vraiment quand on s’hydrate mal sous le soleil… Je l’ai subi un jour quand j’étais jeune. Depuis je n’hésite plus à m’arrêter et à toquer aux portes pour remplir mes bidons. C’est toujours très sympathique…
Oui en effet. Mal hydraté en plein soleil, c’est ce qui m’est arrivé lors de l’EDT 2019. Un cauchemard…
Merci à toi 🙂